Lettre d'information n°53 - Mai 2023

Madame, Monsieur, chers Amis,

A tout moment, on nous demande des nouvelles sur la situation au Mali, sur ce que vivent les populations, plus particulièrement sur celles du pays Dogon, où Mail-Mali intervient.

Nous allons tenter de répondre à ces préoccupations, sans prétendre y parvenir totalement, bien sûr, grâce à quelques informations reçues de Bandiagara (en italique ci-dessous).

Nous n’aborderons pas ce qui concerne l’ensemble du pays, politiquement parlant, comme le projet d’une nouvelle Constitution accordant beaucoup plus de pouvoir au chef de l’Etat, les restrictions de la liberté d’expression ( toute critique envers le Gouvernement est un crime, une trahison), les violations et atteintes aux droits de l’homme ou la présence de la milice russe Wagner.

D’une manière générale, « le Pays Dogon continue de vivre la peur au ventre. En ce qui concerne le cercle de Bandiagara, constitué de 21 communes, celles de Doucombo, Bara-Sara (Ouo), Timiniri, Pignari, Pignari Bana, Lowel-Guéou, Borko ne sont toujours pas accessibles aux humanitaires. Les populations de ces 7 communes vivent un calvaire : cela fait 7ans que les champs ne sont pas cultivés, de peur de représailles des terroristes. »

La menace pèse toujours de voir son village attaqué, brûlé, ses habitants massacrés, le bétail emporté, les greniers incendiés. « Des groupes d’auto-défense tentent de sécuriser les populations et les cultures, mais, leurs capacités étant limitées, ils peinent à y arriver. »

Le sentiment de peur s’accroît lorsqu’il faut se déplacer (en particulier sur l’axe Sévaré-Bandiagara-Bankass-Koro). Les attaques de véhicules, la pose de mines, les enlèvements, les convois dévalisés sont un risque constant.

Pour qui vit « à Bandiagara, il y a moins d’inquiétude. La ville n’est plus sous couvre-feu grâce à l’installation des camps militaires et la présence des nouveaux partenaires du Mali.» – comprendre : les milices russes de Wagner.

« Dogons et Peulhs se fréquentent dans les différents marchés.»

Celui de  « Bandiagara reste animé chaque lundi et vendredi, soit deux fois par semaine. Mais les denrées de première nécessité sont devenues plus chères. Les prix ont flambé.»

Les forains s’y rendent moins nombreux en raison des routes et chemins minés : nombre d’attelages et leurs accompagnants en ont été victimes.

« Les cérémonies sont célébrées en petits groupes et méfiance totale; les fêtes sont souvent des coutumes qu’on est obligé de respecter, et, aujourd’hui, toujours avec une réduction de personnes. Le couvre -feu est levé à l’intérieur de la ville, mais à partir de 18h, le voyage n’est plus possible, aucun véhicule n’est autorisé au voyage. »

..Des milliers de déplacés, bientôt aussi nombreux que les habitants de ..la ..ville, sont arrivés au fil du temps. Un site pour les déplacés « a été ..aménagé par le gouvernorat de Bandiagara, grâce au financement du ..PNUD, une agence onusienne. Une soixantaine de tentes humanitaires ..et 40 lampadaires solaires ont été installés, un forage et un château ..d’eau créés, ainsi que 2 blocs de 4 latrines. Il est à préciser qu’aucune ..activité génératrice de revenu n’est prévue pour ces déplacés. Comme ..leur activité est la culture et (que)la brousse n’est pas accessible, donc ..ils sont obligés de rester au camp sans rien faire ; (certains) partent ..faire les travaux journaliers en ville. »

La population est soumise à la pression de ces nouveaux arrivés.

Citons un seul cas, celui de Christine, notre voisine, veuve, mère d’une adolescente, qui héberge une douzaine de personnes, membres de sa « grande famille » ayant fui leur village.

L’impact se fait fortement sentir dans les écoles. Rappelons ce que nous disions dans notre info 52 : l’école, pour laquelle nous fournissons le matériel scolaire à Bandiagara, compte 701 élèves pour 6 salles de classe !

L’insécurité a aussi déplacé à Bandiagara tous les élèves de Kori-Kori (auxquels nous avions distribué des vélos).

Pour la même raison, aucun enseignant n’accepte d’être affecté à Djiguibombo. Ce sont 4 enseignants volontaires, natifs de Djiguibombo, qui assurent cette tâche et que Mail-Mali prend en charge financièrement.

Par chance, nos écoles situées au nord de Bandiagara peuvent fonctionner normalement, la zone n’ayant jamais été ciblée par les djihadistes.

Quant à notre association partenaire Yagtu, dirigée par Fifi Tembély, active depuis des années sur tout le plateau Dogon, elle se voit obligée de restreindre drastiquement ses activités et ses déplacements, au détriment des nombreuses communautés de femmes avec qui elle collaborait jusqu’alors. Elle a «  procédé au recensement des réfugiés, on rencontre les femmes et leur apporte un soutien psychologique. »

 Certaines factions djihadistes sont dirigées par des peuhls, ce qui a exacerbé un racisme anti-peuhls. Ceux vivant au pays Dogon (et à Bandiagara, bien sûr, et depuis longtemps) se sont vus stigmatisés et la plupart a fui. Ce problème a interpelé les autorités.

Ainsi, « une semaine de réconciliation nationale a été mise sur pied par le Gouvernement du Mali au mois de septembre 2022. Au cours de cette semaine, des forums ont été organisés en vue de ramener la paix et le vivre-ensemble. Les relations entre Dogons et Peuhls ont été au cœur de ces rencontres. Grâce aux efforts des uns et des autres, des familles peuhles, ayant quitté Bandiagara suite à l’amalgame, ont pu regagner la ville.

Cependant, nous restons sans nouvelle des bergers peuhls et de certaines femmes qui passaient régulièrement nous saluer ou nous proposer du lait de leurs animaux.

A l’heure où nous écrivons ces lignes, nous apprenons que depuis plusieurs semaines (incluant toute la période du Ramadan), Bandiagara est privée d’électricité, augmentant les peurs nocturnes. Sans courant, bien des secteurs d’activité sont entravés dans leur travail, entre autres les tailleurs. Les gens n’ont plus de boissons fraîches ni de ventilateurs, alors que la température monte à 40 degrés et plus.

Voilà donc un bref survol des problèmes auxquels est confrontée la population au pays Dogon.

Bien évidemment, cette situation a un fort impact sur nos projets, mais heureusement pas sur nos actions scolaires, alors que des milliers d’écoles sont fermées au Mali (rappel : sa superficie est 30x celle de la Suisse).

Dans ce contexte d’insécurité (physique, économique, alimentaire), notre priorité est de pouvoir manifester notre solidarité, de la témoigner au travers des distributions de nourritures (mil et/ou riz) dont nous faisons bénéficier les familles et les personnes les plus vulnérables.

Nous nous efforçons à verser CHF 2’000.- à 3’000.- par mois pour les populations de Bandiagara, Tacharane et Hombori.

Pour cela, vous comprendrez que votre soutien nous est précieux et indispensable.

Nous entretenons leur espoir en leur prouvant notre fidélité et en leur témoignant cette solidarité que tout le monde prône chez nous, sans toujours savoir comment l’exprimer.

Déjà, nous vous disons un très grand MERCI !

AGENDA

Samedi 20 mai 2023 :    de 9h à 16h30 : stand d’artisanat ET de pâtisseries, vers le Temple du Bas

Samedi 10 juin 2023 : de 7h à 12h30 : stand de pâtisseries* Place Pury, au nord du Kiosque

Samedi 26 août 2023 : de 9h à 16h30 : stand d’artisanat ET de pâtisseries, (lieu à définir)